Construction-carbone

Evolution des prix des matériaux, révision et actualisation.

Evolution des prix des matériaux, révision et actualisation.

janvier 20th, 2013 // 3:05 @

A. L’énergie grise :


La fabrication de matériaux nécessite de l’énergie :  pour cuire, chauffer,  refroidir, congeler, modifier chimiquement, étirer, aplatir, emboutir, centrifuger, découper…une ressource naturelle et la transformer en produit fini (ou produit semi-fini, qui subira de nouvelle transformation pour aboutir à un produit exploitable). Toute l’énergie nécessaire à la chaine de transformation est nommée « énergie grise ».

En fonction des processus nécessaires à leur fabrication, les matériaux nécessitent plus ou moins d’énergie. Il est logique de retrouver le coût  de l’énergie dans le prix des produits. Pour une entreprise de gros œuvre la « dépense » directe et indirecte pour l’énergie (énergie grise des matériaux, transports, mise en œuvre…) représente  environ 1/3 de chaque euro facturé au Maître d’Ouvrage (1/3 du chiffre d’affaire représente des dépenses énergétiques).

Regardons s’il y a corrélation entre les prix des énergies et le prix des matériaux. Globalement, le prix du pétrole commande le prix des autres énergies (ce n’est pas tout à fait vrai pour le charbon et pour le marché du gaz états-unien). Si nous comparons l’évolution du prix du pétrole et de certains matériaux : une corrélation très forte apparait avec la famille des métaux. Pour les produits minéraux (ciment, verre, plâtre, carrelage…) cette relation n’est pas visible.

Le graphe ci-dessous, retrace l’évolution des prix (issus de statistiques INSEE) comparativement au prix du pétrole Brent.  (prix base 100 en 2005)

B. Analyse concernant l’évolution des prix des matériaux comparativement à l’évolution du cours du Brent :

1. MATÉRIAUX FORTEMENT CORRÉLÉS

Il apparait clairement que les matériaux à base d’acier, qu’ils soient recyclés ou non, suivent l’évolution des cours du baril de pétrole, avec peu inertie.

a)    production d’acier

  • COKE (importé UE15) évolution similaire, amplitude de la variation bien plus importante
  • PRODUITS DE COKÉFACTION ET RAFFINAGE évolution similaire
  • MINERAI DE FER évolution similaire, décalage de 2 mois
  • FERRAILLES évolution similaire, amplitude de la variation bien plus importante

○ Ces matériaux sont liés à la production d’acier. Le décalage concernant le minerai de fer semble indiquer, qu’il est plus sensible à la variation de la production d’acier (demande) qu’aux cours des hydrocarbures.

○ Le prix du coke est intimement lié à celui du baril de Brent, un léger décalage indique qu’il suit l’évolution du Brent (indexé?)

○ Les ferrailles constituent la matière première de la production d’acier de la filière électrique (aciers longs low cost), les hauts fourneaux produisant des aciers de qualité supérieure ou des produits plats. Les aciers utilisés dans la construction (treillis soudés, barres crénelées, profilés métal) sont exclusivement issus de la filière électrique. La production d’acier par la filière électrique est réalisée en France à partir de ferrailles recyclées. La similitude de l’évolution des prix (par rapport au Brent) est surprenante, le mode de production d’acier par la filière « ferrailles »ou « électrique » ne consommant pas massivement d’hydrocarbures (en France). (https://www.construction-carbone.fr/facteur-demission-de-lacier-a-beton-reflexions-sur-le-recyclage/)

Il semble plus probable que le prix des ferrailles soit lié à la demande d’acier qu’au cours du  brut.

b)   matériaux acier

  • barres crénelées (ronds à béton) : fortement corrélé – réaction : décalage de 1 mois environ   
  • poutrelles acier (IPE HEA…) : fortement corrélé – réaction : décalage de 1 mois environ                  

2.    MATÉRIAUX CORRÉLÉS (AVEC DÉCALAGE)

L’aluminium suit l’évolution des prix du brut, avec un impact moins marqué que pour l’acier. Il semble plus que ce soit une conséquence de la demande que qu’un lien au prix du brut.

3.    MATÉRIAUX POUR LESQUELS L’IMPACT N’EST PAS SENSIBLE

○ Pour le PVC, la peinture, le verre… il n’y a pas de liaison visible avec les prix du brut.

○ Pour le ciment (et le béton) l’évolution du prix du brut n’entraine pas de d’évolution similaire.

○ Le ciment est issu de la cuisson du calcaire et de l’argile dans les fours à très haute température. Les combustibles utilisés sont composés par 75 à 90% d’hydrocarbures et de 10 à 25% combustibles de substitution. Il est surprenant qu’il n’y ait pas de corrélation forte avec les prix du brut. Il est probable que le cout de l’énergie ne représente pas une part significative du prix de vente du produit (le process et les matières premières sont probablement économiquement prépondérantes) : si la part de l’énergie (directe) est de 2% dans le prix de vente, le prix de l’énergie peut bien doubler, il n’affectera qu’à la marge le prix final.

Autre facteur possible (ou complémentaire) la répercussion des prix pour les cimentiers comporte une forte inertie, les contrats en fourniture d’hydrocarbures à long terme peuvent  « lisser » la hausse.

C. Évolution des prix, et index de révision:

Le temps c’est de l’argent…Dans le monde du bâtiment il y a toujours un délai plus ou moins important entre les phases : d’appel d’offre, pendant laquelle les entreprises établissent leur offre de prix (bâtissent une offre à partir de prix de fournitures, de prix de sous-traitants et de leurs modes opératoires), la phase ou l’entreprise contracte avec le Maître d’ouvrage et obtient son ordre de service, celle ou elle réalise des travaux et envoie une situation mensuelle et enfin la phase ou elle va être payée.

Il est donc clair que le prix des armatures de béton, peut augmenter sensiblement entre le moment ou l’entreprise a retenu une offre d’un fournisseur pour l’étude de soumission, et le moment ou elle va réellement acheter l’acier à ce fournisseur. Comme nous l’avons vu plus haut, le prix de l’acier étant fortement volatile, les armaturiers ne s’engagent pas avec des prix fermes sur de longues périodes : ce que l’entreprise avait prévu de payer 0.70€ le kg peut valoir 1.20€ le kg quelques mois plus tard, et pour quelques centaines de tonnes (quantité usuelles pour des ouvrages moyens) l’impact peut être significatif.

Pour répondre à ces problèmes d’inflation, le législateur a mis en place pour les marchés publics une batterie d’index statistiques reflétant l’évolution des prix en fonction de l’activité des entreprises. Ils sont calculés à partir de formules préétablies, intégrant les coûts de facteurs de production selon une structure préétablie représentative du type de prestation, en concertation avec la Fédération Française du Bâtiment (F.F.B.). On y retrouve les postes suivant :

structure des index bt

BT01 :  index généraliste sur la construction de bâtiments (il reflète l’évolution globale de l’ensemble des index BT, il ne correspond pas à une activité particulière et ne peut en théorie pas être appliqué pour la révision ou l’actualisation de marchés hormis pour la construction de maison individuelles)

BT02 : terrassements

BT06 : ossature et ouvrages béton armé.

BT07 : ossature et charpente métallique.

Si l’on regarde la structure de ces index, au premier ordre, l’index BT02 semble le plus sensible au prix de l’énergie. Pourtant l’énergie grise du poste matériaux est largement prépondérante, comme on peut le constater sur le graphe suivant, retraçant l’évolution de ces index comparativement au prix du Brent.

graphe construction carbone évolution des index bt

L’index BT07 est bien plus lié à l’évolution des cours du pétrole que l’index BT02. La production d’acier étant très énergivore.

Dans le cadre de marchés publics, il existe deux types de revalorisation des prix :

–       L’actualisation, qui permet de revaloriser les prix si le délai entre la soumission et l’OS est supérieure à 3 mois. Exemple de formule d’actualisation A(n) = BT 06 (n-3) / BT 06 (o) (le mois (o) étant le mois d’établissement des prix, stipulé dans le règlement particulier d’appel d’offre)

–       La révision, permet réactualiser en fonction de la dérive des prix. La formule classique de révision, inclue une partie fixe de 12.5% minimum, on retrouve plus généralement 15% : R(n) = 0,15 + 0,85 x BT 06 (n)/ BT 06 (o).

On vérifie que, si la corrélation est très faible pour les matériaux minéraux (béton) et pour l’index général BT01, la trajectoire de l’index BT07 et de la formule de révision le concernant est identique à celle du prix du Brent.

D. Conclusion:

Même si les index ne reflètent qu’en partie l’évolution des fournitures et des charges des entreprises, il apparait clairement que certaines activités sont très sensibles aux cours de l’énergie. Pour celles-ci (et pour les autres), l’analyse de la dépendance carbone ou de l’impact carbone, par euro de chiffre d’affaire constitue une analyse de risque judicieuse, en ces temps de volatilité des prix.

De même, pour dans le cadre de réponse à des appels d’offres :

  • Pour les marchés privés (fermes, non actualisables et non révisables) : il existe un risque sensible si votre activité est liée à l’acier et que vous travaillez sur des marchés ayant des durées importantes, par tranches, reconductibles…
  • Pour les marchés publics : Il n’est pas rare que sur une opération de construction, l’ensemble des marchés soit actualisés ou révisés selon l’index BT01 (indice tous corps d’état…le Maître d’Ouvrage ne veut pas « se casser la tête » même si ce n’est pas « légal », la pratique est courante). Si vous réalisez des travaux de charpente métallique, vous courrez le risque, en cas de forte variation du prix de l’énergie, d’une mauvaise revalorisation des prix de vos prestations.
  • Dernier point : le « cas de force majeure » (attaque de l’Iran…)

situation conjoncturelle brutale - le moniteur


Category : Bilan carbone chantier &Materiaux btp

Les commentaires sont clos.