Construction-carbone

Bilan Carbone(r) appliqué au bâtiment (v1 ADEME) : Analyse du document

Bilan Carbone(r) appliqué au bâtiment (v1 ADEME) : Analyse du document

février 3rd, 2011 // 8:05 @

L’ADEME en partenariat avec le CSTB, a publié le  15/11/2010 un guide sectoriel sur le bilan carbone® appliqué au bâtiment. (voir le document ici) .

Ce document organise le Bilan Carbone® d’une opération de construction, incluant l’exploitation, et la fin de vie du bâtiment. Une distinction est faite dans les quatre processus (mise à disposition du bâti, fonctionnement du bâtiment, activité et transport) entre la partie immobilière (le bâtiment, ses consommations…) et la partie mobilière (activité dont le bâtiment est support, consommations spécifiques, transport des usagers, salariés…). Il semble évident que le bilan carbone® appliqué au bâtiment ne prenne pas en compte l’activité hébergée :  « Ne sont généralement pas comptabilisées :

· Les émissions liées à l’approvisionnement et aux consommations d’eau potable et au traitement collectif des rejets d’eaux usées

· Les émissions directes de l’activité dont le bâtiment est le support (activité hébergée),

· Les émissions des consommations d’énergie liées à l’activité hébergée (machines industrielles, équipements de santé, …). Cependant une quotepart forfaitaire de ces consommations spécifiques sera incluse dans le Bilan Carbone® comprenant notamment le gros électroménager, l’informatique et l’audiovisuelle pour les logements et la bureautique pour les bâtiments du tertiaire.

· Les émissions liées au transport et traitement (tri, valorisation,élimination) des déchets générés par l’activité hébergée (y compris effluents liquides) : OM, DND, DD, DASRI, …

· Les émissions liées à la fabrication et au transport de matières consommées par l’activité hébergée, mis à part dans certains contextes particuliers comme le choix de la localisation du site par exemple où l’on prendra en compte les émissions liés au transport des marchandises et des personnes. »

Le document précise que que le bilan carbone(r) doit permettre de répondre à une question:

  1. La faisabilité d’un programme: approche globale, conception et localisation du bâtiment, impact des transports,
  2. Pertinence d’un scénario : réhabilitation / démolition-reconstruction.
  3. Choix constructifs, architecturaux, performances thermiques
  4. Comparer des choix constructifs, des méthodologies ou des modes opératoires

Pour notre cas : les bilans carbone® chantier de construction-carbone, ne prennent en compte que la phase « impact direct du bâti ». L’utilisation et les consommations nécessaires au fonctionnement ne sont pas prises en compte. La démolition n’est pas comptabilisée non plus : Il semble difficile d’évaluer aujourd’hui, les émissions, les processus, modes opératoires, gestion des déchets, d’une hypothétique démolition future du bâtiment dans plus de 50 ans. Quelle sera cette activité en 2060 ???

ibilan carbone(r) appliqué au bâtiment
(ADEME : bilan carbone(r) appliqué au bâtiment)

Le guide sectoriel s’attache également à évoquer les facteurs d’émissions spécifiques à l’activité.

  • Les FE (facteurs d’émission) pour la construction, sont majoritairement issus en France, du trésor que constitue la base de donnée INIES.

Je me permets une critique du document. Les FDES INIES (fiches de déclaration environnementale et sanitaire) sont de véritables analyses de cycle de vie, multi-critères. Le guide sectoriel, propose de ne prendre en compte que les émissions relatives au CO2 et au CH4 (méthane), cette approche est cohérente car ces émissions représentent généralement 99% des émissions de GES (on aurait pu inclure le NO2). Les émissions sont décomposées selon 5 phases : la production, le transport, la mise en œuvre, la vie en œuvre et la fin de vie. Le guide méthodologique prend en compte les 3 premières phases. Cette approche me semble source d’erreurs. En effet, s’il est pertinent de prendre en compte la fabrication et le transport, la mise en œuvre me semble plus « dangereuse« . Si vous prenez, la mise en œuvre dans le FE du matériaux, vous devez exclure les émissions de mise en œuvre du chantier de manière générale : la grue, le matériel et immobilisations de chantier, la main d’œuvre, les consommations de fluides nécessaires (eau, électricité, gasoil…). Le risque est de réaliser un bilan carbone(r) chantier, en comptant 2 fois les émissions de mise en œuvre : un foi dans les FE des matériaux et une foi dans les matériels et processus de production.

Exemple : pour le facteur d’émissions de blocs creux béton: le document propose en annexe 4, un facteur d’émission de 17.32 kg éq CO2/m2 (ou 4.72 kg éq C /m2).

extrait de la FDES blocs creux de 20cm

acv bloc creux
La FE issus de la FDES comprend donc la mise en œuvre. Il semble plus cohérent de ne pas prendre en compte la mise en œuvre, mais de comptabiliser en parallèle dans le bilan carbone(r) du chantier, les émissions de GES des sacs de ciment achetés, de la main d’œuvre et du déplacement des ouvriers, de l’immobilisation d’une bétonnière s’il y a lieu, etc… Pour les études construction-carbone, nous retenons un FE pour les blocs creux de 20 de : 11.6 kg éq. CO2/m2 (ou 3.16 kg éq. C/m2), ce qui correspond aux phases production et transport. (0.12 kg éq. C / blocs).

Un autre point qui peut être critiqué et qui m’a surpris (je n’ai pas analysé tous les FE proposés) : le FE de l’acier de ferraillage annoncé à 588 kg éq. C/tonne, là ou je trouve :227 kg éq.C/tonne (voir l’article sur l’acier, ici) y aurait-il 361 kg éq. C par tonne  uniquement nécessaires à la mise en œuvre ?… manutention à l’hélicoptère ?   : )

  • Les FE « bâtiments génériques »

Ces facteurs d’émission génériques, correspondent à des ratios extraits de retour d’expérience par catégorie d’ouvrage. A noter qu’ils ne concernent que : la structure, l’enveloppe, la partition et les revêtements de sol du bâtiment considéré et concernent les phases production, transport et mise en œuvre des matériaux. Ces résultats me semble relativement faibles.

  • logements individuels
    • structure bois                                                       38 kg éq. C/m2 SHON
    • structure béton voiles porteurs                         46 kg éq. C/m2 SHON
    • structure béton cellulaire                                   55 kg éq. C/m2 SHON
    • structure monomur terre-cuite                       50 kg éq. C/m2 SHON
    • structure blocs béton                                          40 kg éq. C/m2 SHON
    • structure briques                                                  40 kg éq. C/m2 SHON
  • logements collectifs
    • voiles porteurs béton                                           52 kg éq. C/m2 SHON
    • point porteur/façade maçonnée                       57 kg éq. C/m2 SHON
    • monomurs                                                               73 kg éq. C/m2 SHON
    • Structure acier/façade maçonnée                 ND
  • Bâtiments de bureaux et administratifs
    • voiles porteurs béton                                         60 kg éq. C/m2 SHON
    • structure acier/béton, façade verre             305 kg éq. C/m2 SHON
    • structure mixte acier béton                             80 kg éq. C/m2 SHON
  • Bâtiment à vocation sanitaire et sociale
    • voiles porteurs béton                                         60 kg éq. C/m2 SHON
  • Bâtiments de stockage et industriels
    • structure et façade acier                                   55 kg éq. C/m2 SHON
  • Bâtiments sportifs et culturels
    • voiles porteurs béton                                        80 kg éq. C/m2 SHON
  • Bâtiments de commerce
    • structure et façade acier                                   50 kg éq. C/m2 SHON

Même si ces données ne concernent que l’enveloppe du bâtiment, (exclusion des émissions des installations électriques, sanitaires, chauffage…)., les valeurs semblent tout de même excessivement faibles. Le panel représentatif pour chaque catégorie se limite à un ou deux études, à mon sens bien optimistes.

Le guide des facteurs d’émissions de l’ADEME donne pour les FE des émissions par unités de surface de bâtiment les valeurs suivantes, valeurs qui me semblent encore faibles :

ratio ADEME

ratio ADEME

Pour ma part, l’énergie grise de la construction est bien plus conséquente  :

ratio construction carbone TCE

Vous pouvez retrouver le détail concernant ces ratios ici.

Conclusion :

Ce document formalise la réalisation d’un bilan carbone® bâtiment, c’est une bonne base, (malgré les critiques ci-dessus). Pour avoir consulté quelques bilan carbone® d’opérations de construction, il me semble, que ceux-ci sont souvent réalisés en agrégeant des données trop globales et avec des facteurs d’émission trop génériques. L’ordre de grandeur est souvent cohérent, mais il manque le détail permettant de cerner les postes pouvant être « travaillés », il n’est pas rare que le prestataire s’attache à analyser des postes de second ordre. La climatisation de la base vie du chantier par exemple, même si les fluides frigorigènes ont un PRG important, les modules des bungalows de chantier ne sont (jamais) rarement rechargés, d’où un « amortissement » des émissions de ces clims sur de nombreux chantiers, ce qui rend ce poste insignifiant.

…cette étude constitue un premier pas, en attendant que les retours d’expérience affinent les résultats.

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Category : Bilan carbone chantier &Materiaux btp

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