Construction-carbone

Plus de moyens (€) = plus de GES ?

Plus de moyens (€) = plus de GES ?

octobre 30th, 2010 // 3:45 @

Je me permets de critiquer, ici, les propos tenus par Ronan Dantec, adjoint au maire de Nantes, dans la revue Enerpresse du 2 novembre 2010 : (je résume)

Les décisions prises par les élus locaux sont responsables de 50% des émissions de GES de l’union Européenne. Les collectivités locales n’ont pas les moyens de financer les dépenses d’investissement et de lutte contre ces émissions. Il serait donc justifié qu’une partie des fonds recueillis lors des futures enchères pour les allocations de quotas de CO2, soit reversée aux villes et collectivités locales.

Je m’interroge, car d’une manière générale : plus de moyens = plus de GES (gaz à effet de serre). Pour donner une image, j’imagine très bien le (contre-)exemple  fiction suivant :

M. le Maire à les meilleures intentions qui soient, la médiathèque de sa ville est une vraie passoire thermique. Il décide de prendre ses responsabilités en matière d’environnement et de créer une nouvelle médiathèque labellisée BBC. Il convoque le conseil municipal,  pour lui demander de voter son projet  afin que la ville engage réellement une démarche « durable » pour qu’enfin l’agenda 21 de la commune prenne corps. Le conseil municipal vote le projet (puisque les fonds européens, issus du marché des quotas, sont disponibles), les architectes et bureaux d’études travaillent, et le projet démarre. Comme toujours, le projet est ambitieux, la médiathèque sera trois fois plus grande, là ou la précédente consommait 200kWh/m2/an d’énergie primaire, la nouvelle ne consomme plus que 50. La mairie communique sur les incroyables performances environnementales de son nouveau joyau, et s’enorgueillit et est pleinement (et sincèrement) satisfaite d’avoir œuvré pour le développement durable.

Bravo, mais si l’on pose les chiffres sur le papier en prenant en compte le périmètre le plus large possible pour l’opération, il est probable que le constat soit tout autre. L’énergie grise de la construction (et démolition dans l’exemple) représente vraisemblablement entre 150 et 250kg éq. C /m2 (voir petite étude ici).

En prenant l’hypothèse que l’énergie nécessaire à la construction est composé à 80% de gasoil et 20% d’électricité, nous pouvons très très grossièrement estimer que  l’énergie primaire de la construction représente pour notre médiathèque BBC, à la grosse louche 4150kwh/m2, soit 83 années de consommation (83 années de consommation « BBC » 50kWh/m2/an). Ce qui revient à dire que si l’on limite la durée de vie du bâtiment à 83 ans (la déconstruction n’a pas été prise en compte): la consommation du bâtiment est de (50kWh/m2/an + 50kWh/m2/an d’énergie grise (déjà utilisée))*3  (n’oubliez pas que notre équipe municipale a vue grand et à triplé la surface du bâtiment initial).

Conclusion : la commune disposait d’une « vieille, modeste et gloutonne » médiathèque consommant 200kWh/m2/an d’énergie primaire, elle a maintenant un superbe bâtiment 3 fois plus grand mais représentant l’équivalent de 1.5 foi la consommation précédente. Dans ce cas les moyens mis en œuvre n’ont pas contribué à moins de GES, ils ont surement servi l’intérêt public, mais l’objectif initial est biaisé. Cet exemple est forcément caricatural, mais montre qu’une approche globale est nécessaire pour savoir ce qui est « durable » ou pas. J’avoue également que la donne change un peu, si comme il est probable, les coûts de l’énergie grimpent. On peut également rétorquer, que si les montants n’avaient pas été  investis ici, ils auraient contribué à créer des émissions dans un autre secteur sous une autre forme.

Vigilance…


Category : Bilan carbone &Bilan carbone chantier &Réchauffement climatique

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