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Contribution Climat Energie : quels impacts pour la construction

Contribution Climat Energie : quels impacts pour la construction

septembre 5th, 2013 // 11:35 @

Le ministre de l’écologie Philippe Martin, a annoncé le 22 août dernier, la création d’une taxe carbone, ou plutôt – ça fait moins peur – la mise en place d’une « contribution climat énergie ». Cette décision, actée par le premier ministre, fera l’objet d’un débat dans les jours qui viennent pour en définir le montant et le rythme.

J’évoque souvent le « risque » d’une éventuelle « taxe carbone », et la nécessité d’une fiscalité carbone. En effet, si les émissions de gaz à effet de serre sont un enjeu véritable (et elles en sont un,  surement de tout premier ordre pour l’humanité) alors il convient de prendre à bras le corps cette problématique. Or, on ne se préoccupe,  que de ce qui coûte et a un prix (cela peut couter autrement que financièrement), mais s’il n’y a pas de prix, il n’y a pas de prise en compte.

Les émissions de GES retenues :

Il est probable qu’elle cette nouvelle contribution soit assise sur les émissions directes d’énergie de la même manière que le bilan de gaz à effet de serre règlementaire. L’article 75 de la Loi Grenelle 2, rend obligatoire la réalisation d’un bilan GES règlementaire, pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 50000 habitants. Un bilan GES règlementaire ne permet pas de mesurer l’énergie grise et le carbone gris nécessaire à la production des matériaux utilisés, au fret de ces matériaux et toutes les émissions des prestataires ou sous-traitants travaillant pour une entreprise. Seules les émissions liées aux consommations directes d’énergie (et de fluides frigorigènes) sont comptabilisées.

Si pour le bilan GES règlementaire, le fait d’assoir la comptabilité des émissions sur les consommations d’énergie ne permet pas d’avoir une vision claire des émissions et du niveau de dépendance aux énergies fossiles de l’entité. On peut même se demander quel est l’objectif du législateur dans cette affaire(1). Par contre, assoir une « contribution climat énergie » sur la consommation d’énergie n’est pas incohérent si l’ensemble des acteurs économiques y est soumis. Toute activité sera impactée (puisque toute activité consomme de l’énergie). Le fabricant de matériaux, comme le transporteur, le sous-traitant, le prestataire de services, le fournisseur d’énergie…tous, répercuteront, le surcoût amené par la taxe carbone, avec plus ou moins d’inertie. Donc globalement toute activité économique sera impactée à concurrence de sa consommation d’énergie fossile. Il reste tout de même deux trous dans la raquette :

  1. les émissions résultant d’une consommation d’énergie hors des frontières nationales (les fameuses « fuites de carbone » qui inquiètent notamment les cimentiers). La solution semble compliquée (des compensations pour les industries impactées?)…et je ne pense pas qu’il faille attendre un accord européen sur ce sujet, sinon…nous risquons d’attendre…
  2. les émissions de GES, non énergétiques. Par exemple : Les émissions de gaz frigorigènes des climatisations, et les émissions résultant de process ne faisant pas intervenir de l’énergie. 60% des émissions de décarbonatation du clinker, ne seraient pas prises en compte (encore l’industrie du ciment !) Les émissions des seuls HFC (fluides frigorigènes, aérosols et agents d’expansion) représentent, à elles seules, 15,4 Mt CO2e en France (données CITEPA 2011). On ne s’occuperait, pas non plus des émissions de N2O, SF6, PFC.

Question complémentaire : faut-il prendre en compte l’électricité ? Ce qui permettrait d’éviter un basculement des énergies fossiles vers de l’électricité (à 90% sans émissions de GES, avec le nucléaire, et les renouvelables) mais ce secteur est déjà soumis au marché ETS (même si ce marché de permis négociables et quotas est moribond).

Quel montant ?

Comme Saint Exupéry, j’aurais tendance à penser : “L’important ce n’est ni l’archer, ni l’arc, ni la flèche, ni la cible… L’important c’est la trajectoire.”

L’important c’est une trajectoire et un cadre fiscal clair sur le temps long, permettant les investissements de long terme.

Je vous propose un panorama des possibles, sur les impacts d’une « éventuelle » Contribution Energie Climat (CEC), pour diverses activités liées à la construction.


Les prix (de départ) retenus correspondent aux propositions présentées par les diverses personnalités, qui se sont penchées sur cette problématique.

Notez également que tous les chiffres ci-dessous, correspondent à des ordres de grandeur. Les montants dépendent du facteur d’émission (contenu en équivalent CO2 par unité) de chaque matériau ou ratio, qui comporte un certain niveau d’incertitude.

La contribution climat énergie et les matériaux

taxe carbone impact sur les matériaux

taxe carbone mtx - impact

Si elle n’est pas négligeable, cette « taxe » ne sera tout de même pas insurmontable. Le montant « astronomique » de 200€/t CO2e en 2020, entraine un surcoût équivalent à un taux d’actualisation jusqu’en 2020 : de 3.2% pour l’acier et de 3.5% pour le béton (émissions énergétiques uniquement). Pour des matériaux, très fortement impactés par les émissions de GES, ce n’est finalement pas la mer à boire !

La contribution climat énergie et la construction (de logement)

taxe carbone par m2 SHONtaxe carbone par m2 SHON tableau

Aujourd’hui, des efforts très importants sont réalisés sur les consommations des bâtiments. Les normes RT2012 et future RT 2020, les labels BBC, BEPOS, poussent tous les acteurs de la construction à diminuer les consommations des bâtiments, et même si les objectifs de consommations ne résistent pas aux habitudes des utilisateurs, les niveaux de consommation par m2 sont aujourd’hui très faibles. Très bien…Sauf que : rien n’est fait pour diminuer l’énergie grise et les émissions nécessaires aux constructions. Sur un bâtiment thermiquement performant, les émissions de GES nécessaires à la construction restent 5 à 10 fois plus importantes que les émissions liées à l’exploitation  de ce bâtiment pendant 50 ans! On peut bien réduire encore les émissions de production d’eau chaude…l’enjeu n’est pas là, mais dans les m3 de béton et les kg d’acier mis en œuvre sur le chantier. Or actuellement, aucune contrainte ne vous pousse à diminuer les émissions de construction, si ce n’est le prix des matériaux et des transports.

Une taxe CO2, sur l’énergie, permettrait de relever le prix des matériaux les plus émissifs au bénéfice des moins carbonés, ce qui contraindrait les concepteurs, entreprises et BET à s’adapter (et implicitement à anticiper une hausse des énergies, et donc à gagner en compétitivité).

La contribution climat énergie et ses impacts par euro de chiffre d’affaires

taxe carbone par euro de CA

taxe carbone par euro de CA tableau

– attention, pour le gros œuvre, les émissions non énergétiques (du béton) sont prises en compte, ce qui fausse un peu le résultat, qui devrait être environ 20% plus faible

En fonction de leur « contenu carbone » les entreprises seront plus ou moins impactées. Ce n’est pas la taxe qui fera que les bâtiments industriels ne seront plus construits en métal, mais elle contraindra (petit à petit) à une optimisation des matériaux. J’avais, il y a quelque temps, regardé l’impact du coût des énergie fossiles sur les index BT nationaux.

indices BT = f(barril de pétrole)

La contribution climat énergie et l’énergie

taxe carbone et énergietaxe carbone et énergie tableau

Conclusion :

Les avantages principaux d’une future contribution climat énergie :

  • anticiper les risques de hausse des énergies – comme la TIPP à contraint les constructeurs français à faire des voitures qui consomment peu, ce qui est aujourd’hui un critère essentiel pour vendre une voiture. Anticiper, développer les technologies et les savoir-faire, en mode contraint et un pari sur l’avenir (avantage concurrentiel futur, ou plus brutalement : « une question de survie »).
  • agir concrètement pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. On en parle beaucoup aujourd’hui, mais que fait-on concrètement?
  • réorienter la fiscalité vers l’énergie, et redistribuer efficacement
  • permettre une vision de long terme (et engager des investissements dans ce sens)

mais aussi des inconvénients :

  • …politiquement dangereux avant des élections…

et quelques difficultés de mise en œuvre :

  • redistribuer cet impôt, en faisant le moins de mécontents possibles
  • éviter les manœuvres bassement politiques
  • expliquer clairement à une opinion publique, qui n’a aucune idée des futures problématiques énergétiques et climatiques

Il est malheureusement possible, que « les  inconvénients majeurs« , vus ci-avant, l’emportent sur tout le reste.

Wait and see…


[1] Est-ce parce que seules les émissions directes sont faciles à comptabiliser ? Auquel cas on est dans une situation que l’on peut qualifier du « syndrome du lampadaire » (on ne compte que ce que l’on voit). Ou, est-ce pour pouvoir comparer et faire du benchmarking sur les Bilans GES règlementaires ? Ce qui n’a pas plus de sens.


Category : Economie &Energie &Materiaux btp &taxe carbone

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