Du carbone dans le CIMENT !
janvier 5th, 2009 // 12:00 @ V.CAU
Voir le nouvel article sur le ciment : les émissions de GES du ciment ( avril 2011)
Le ciment est un produit « magique », une foi hydraté, il permet en durcissant d’agglomérer des matériaux divers et de construire des bâtiments des infrastructures…
La consommation mondiale est croissante, tirée par la chine.
Hors Chine, les plus gros producteurs sont l’Inde, les Etats-Unis, le Japon et la Corée.
La production de ciment est un indicateur économique, lié d’une part au nombre d’habitants, mais également au potentiel décroissance de chaque pays sur une période donne. La France actuellement produit un peu moins de 20 millions de tonnes par an. Parmi les pays ayant relativement le plus progressé depuis 1996,on peut citer l’Iran (+ 82 %), la Chine (+ 66 %), l’Égypte (+ 61%), l’Inde (+ 59 %), l’Italie (+ 54 %), l’Arabie Saoudite (+ 48 %) et l’Espagne (+ 42 %). Sur la même période, ceux ayant régressé sont le Japon (- 24 %) et l’Allemagne (- 4 %). Comparativement, la France a progressé dans le même temps de 8 %. (Source 2003 : J. VECOVEN HOLCIM)
Mais ce matériau est également fortement émetteur de CO2, pour sa fabrication.
Fabrication du ciment
Pour fabriquer le clinker, la « matière première » du ciment, la cuisson du calcaire et de l’argile dans les fours à très haute température libère du CO2. Cette étape de décarbonatation représente 60% des émissions de CO2 par tonne produite.
La fabrication dépend des procédés industriels, on peut résumer de la manière suivante :
1 / cuisson du clinker
réaction chimique de fabrication
CaCO3 —-> CaO + CO2
Cuisson à 1500°C dans des fours rotatifs
pour 1kg de clinker émissions
0,471 kg eq CO2 (décarbonatation, 60% des émissions selon Lafarge)
0,314 kg eq CO2 (cuisson pour obtenir le Clinker)
(le troisième chiffre après la virgule n’est là que pour « retracer » le calcul)
total 0,784 kg eq CO2 soit 0,214 kg eq C
le guide des facteurs d’émissions – V5 donne 235kgeq c / tonne
(Nota du 14/09/10 : le guide des facteurs d’émissions V6.1 de juin 2010, donne une valeur de 284 kg éq. C/t pour le clinker et 270 kg éq. C/t pour le ciment Portland)
2 / part du clinker dans le ciment
Suivant les types de ciments CEM I, CEM II …
Les cimentiers diminuent la part de clinker dans le ciment par addition de matériaux de substitution (cendres volantes…), 16.5% selon Lafarge, de matériaux que l’on considèrera sans émission de CO2 (valorisation de déchets) (Pour Holcim de 5% à 18%)
d’où 1kg de ciment émet
0,393 kg eq CO2 décarbonatation 107 g éq C
0,262 kg eq CO2 combustion 71 g éq C
total 0,655 kg eq CO2 (ou 179 g eq C)
3 / émissions liées uniquement aux hydrocarbures lors de la cuisson
Selon Lafarge (2006), 40% des émissions du clinker sont dues à la combustion dans les fours, 88.9% des combustibles sont d’origine fossile et 11.1% d’origine diverses (produits visqueux, biomasse, déchets, autres…)
ENERGIE MIX DE LAFARGE (2006) | ||||||
|
CHARBON |
|
||||
HYDROCARBURES |
COKE
|
28,00% | ||||
PETROLE | 5,80% | 88,90% | ||||
GAZ | 11,60% | |||||
PRODUIT VISQUEUX | 0,35% | |||||
BIOMASSE | 2,30% | |||||
DECHETS | 8,40% | 11,10% | ||||
AUTRES | 0,05% |
D’où 1kg de ciment émet
0,393 kg eq CO2 décarbonatation 107 g eq C
0,233 kg eq CO2 combustion (hydrocarbures) 64 g eq C
0,029 kg eq CO2 combustion (autres) 8 g eq C
total 0,655 kg eq CO2 (ou 179 g eq C)
Conclusion
Les données ci-dessus ne donnent qu’un ordre de grandeur, il est évident que chaque site, chaque procédé industriel donnera des valeurs différentes.
On peut ajouter à ces 655 g eq CO2/kg de ciment, le transport jusqu’aux centrales à béton, ou aux distributeurs, soit environ 30 g eq CO2. Les cimenteries sont relativement bien réparties sur le territoire français.
L’industrie du ciment est fortement émettrice de GES, elle est soumise aux marchés des quotas européens (ETS).
On peut parier que cette industrie va être fortement impactée par l’évolution des prix de l’énergie, des réglementations environnementales et des diverses normes. Le marché du prix du CO2 ne va pas rester « sage » comme actuellement, une augmentation des prix des hydrocarbures, la spéculation…risque d’impacter le coût du ciment.
Exercice de style économique (les prix restent sages):
On voit que l’impact est encore « négociable », mais les ennuis peuvent venir d’ailleurs:
Les réglementations, et normes environnementales (chantiers HQE, utilisation du bois ou de matériaux alternatifs dans la construction…) ainsi que la prise en compte par les entreprises du poids écolo/économique de ce matériaux risque de les contraindre à l’utiliser plus rationnellement.
Les industries du ciment vont également revoir leurs procédés industriels
Si vous voulez en savoir plus sur LE BETON et ses émissions c’est ici…
Voir également sur le même thème : le ciment et ses fuites carbone
Voir également le sujet sur les émissions du ciment, les perspectives d’amélioration, les recherches en cours…Les émissions du ciment…quelles perspectives? (avril 2011)
Category : Bilan carbone chantier &Materiaux btp
Rouget
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Tristan
7 années il y a
Le ciment est produit par décarbonatation du calcaire. Mais son durcissement n’est il pas produit par re-carbonataion avec le CO2 de l’atmosphère ?
V.CAU
7 années il y a
En effet, le béton est soumis à un phénomène de carbonatation, qui n’a pas lieu lors de son durcissement mais le long de la vie du matériau. Au contact du CO2 contenu dans l’air, le béton « absorbe » ce CO2 pour former de l »hydroxyde de calcium ou portlandite Ca(OH)2. C’est un phénomène très connu de dégradation des ouvrages. Le phénomène se produit en surface d’un ouvrage, mais dès que les premières armatures sont atteintes, elles se corrodent et font « éclater » le béton.
Quelques application ont été testées pour absorber du CO2 par cette voie. Par exemple, par épandage de béton concassé (granulats ou ballast ferroviaire par exemple) qui offre de très grandes surfaces en contact avec l’air et qui par phénomène de carbonatation permet d’absorber du CO2. Cette solution nécessite tout de même de vérifier que le concassage du béton ne génère pas plus de CO2 que les granulats n’en absorberont par carbonatation (ce qui est loin d’être évident) ou que la solution offre un bilan GES favorable par rapport à une solution traditionnelle (matériaux de carrière).