L’efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments tertiaires en France
janvier 30th, 2014 // 10:32 @ V.CAU
L’efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments tertiaires – vision globale
Les questions d’énergie et développement durable ont pris une place très importante dans le secteur du bâtiment (il y a, depuis quelques années maintenant, une rubrique « construction durable » dans le moniteur, au même titre que l’architecture, la technique et la règlementation). La réduction des consommations et la performance thermique sont des enjeux majeurs dans toute opération de construction. Le sujet se vulgarise à tel point que beaucoup ont oublié l’objectif primaire de cette réduction. La réduction des consommations n’est pas un objectif en soi. Le but est bien évidemment pour le maître d’ouvrage de réduire ses factures de chauffage et ses charges d’exploitation, mais si le législateur a mis en place des normes, et des objectifs c’est pour répondre aux certains engagements nationaux.
Rappelons que l’objectif de la loi Grenelle 1 n’était pas la réduction des consommations d’énergie, mais la diminution des émissions de gaz à effet de serre grâce à la réduction des consommations énergétiques.
L’article 2 de la loi Grenelle I stipule:
« La lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités. Dans cette perspective, est confirmé l’engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, afin de ramener à cette échéance ses émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone. ».
Pourquoi faut il réduire nos émissions de GES d’un facteur 4
Cette division par 2 au niveau mondial, se traduit par un « droit à émettre » de 1.8 t CO2e/personne/an. Sur la base de ces données de 1990, la France se doit de diminuer ses émissions nationales d’un facteur 4. Au regard des émissions actuelles, il conviendrait d’adopter un facteur 6 ou 7 pour maintenir l’engagement de 1.8 t CO2e/personne/an. Si nous ne réduisons pas de manière volontaire, il est fort probable que « la nature » se charge de réduire à sa manière…
Pour atteindre cet objectif dans le secteur du bâtiment, des mesures contraignantes ont été mises en place – article 4 : « La réglementation thermique applicable aux constructions neuves sera renforcée afin de réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre … un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne ; pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en termes d’émissions de gaz à effet de serre, ce seuil sera modulé afin d’encourager la diminution des émissions de gaz à effet de serre générées par l’énergie utilisée, conformément au premier alinéa…»
La France a pris des engagements auprès de l’Europe, de réduire s’est émissions de 30% en 2030 et 50% en 2050. Ces objectifs mis en musique par la loi Grenelle I du 3 août 2009, fixent notamment la règle suivante : les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants devront être réduites de 38% d’ici 2020 (par rapport aux consommations de 2005).
Première problématique : la surface du parc tertiaire
Première problématique, les consommations doivent être réduites de manière globale (pas par unité de surface). Les contraintes techniques se doivent d’être très exigeantes, car la diminution globale ne se fera à priori pas sur les volumes :
Les surfaces de bâtiments tertiaires existants sont passées de 860 millions de m2 chauffé en 2005, à 920 millions de m2, soit 7% d’augmentation. L’augmentation des consommations n’est heureusement pas proportionnelle, nombre de bâtiments ont été rénovés thermiquement et les constructions depuis 2005 sont beaucoup plus performantes que la moyenne. Il n’en demeure pas moins que la consommation énergétique globale et les émissions de GES induites, stagne ou augmente vraisemblablement toujours un peu. Cette conclusion est très difficile à appréhender, les consommations étant fortement dépendantes des variations climatiques et du taux de vacance (potentiellement fort et en augmentation).
L’énergie grise nécessaire aux rénovations.
Rénover thermiquement nécessite de mettre en œuvre des matériaux, du matériel et des équipements qui ont nécessité de l’énergie pour être produits (majoritairement de l’énergie fossile, donc avec des émissions de GES). Les travaux nécessitent de l’énergie pour l’utilisation de matériel (engins, nacelles…) pour le fret des matériaux et matériel, pour les déplacements des ouvriers…
Toutes ces émissions de gaz à effet de serre « grises » viennent en déduction des émissions qui seront « gagnées » lors de l’exploitation des bâtiments. Ces émissions ne viendront pas impacter le total des émissions du « résidentiel-tertiaire », car elles sont comptabilisées dans celles de l’industrie principalement (chez les fournisseurs de matériaux, béton, acier, tuyauterie…) et marginalement dans celles des transports.
En retenant un prix moyen de rénovation thermique de 240 €/m² (source : O.SIDLER ENERTECH 200€ en 2007, actualisé 3% par an), nous pouvons déduire des émissions de GES correspondant à la rénovation. Nous décomposons ce prix en matériaux et flux primaires en fonction de l’indice BT41 ( Ventilation et conditionnement d’air). Ce calcul, j’en ai conscience » très grossier » nous donne des émissions de rénovation thermique à 100 kg CO2e/m2 (moyenne forcément très approximative, car fonction de la mise en œuvre de matériaux et matériel plus ou moins émissif) cette évaluation peut varier de manière très significative. Si nous avions pris en compte l’indice TB1 « isolation thermique par l’extérieur » nous aurions une valeur plus proche de 90 kg de CO2e/m2 (l’ordre de grandeur reste tout à fait cohérent).
Pour obtenir un gain global de 38% de réduction des émissions (en fait, ce devrait être 38% des consommations énergétiques règlementaires, mais nous retenons le même pourcentage pour les émissions de GES), en prenant en compte l’impact des émissions « grises », les efforts à faire sur les consommations (et les émissions de gaz à effet de serre correspondantes), sont forcément plus importants. Les émissions émises lors de la rénovation sont amorties, sur une période correspondant à la durée « d’utilisation de ces travaux ». Si une PAC est mise ne place, on peut estimer sa durée de vie de 15 à 25 ans avant de la renouveler (opération qui nécessitera de réémettre des GES, chez l’industriel). L’impact des énergies grises « de rénovation » est donc fonction de la durée de leur amortissement.
Ce graphique exprime l’effort à réaliser sur les émissions de GES, pour respecter une baisse de 38% en 2020 (sur la base des émissions 2005). Si l’on ne tient pas compte des émissions « grises », ou si la durée d’amortissement est très longue (100 ans), alors l’effort à accomplir sur la moyenne en 2010 n’est que de 22% (une partie de l’effort est déjà accompli malgré l’augmentation du parc). Par contre si les rénovations concernent des équipements à renouveler tous les 15 à 20 ans (PAC par exemple), les émissions de GES de cet équipement portent encore l’effort sur les consommations à 36 et 41%.
Conclusion:
Pour toute mesure, toute règlementation mise en place ou toute norme, il convient de se poser les questions suivantes : « que cherche-t-on à faire ? Dans quel objectif ? Et pour répondre à quelle problématique ? »Cette notion d’émissions « déplacées » de l’exploitation des bâtiments vers le secteur industriel, fait-elle partie de la réflexion globale de nos administrateurs ?
Category : bâtiments performants &consommations énergétiques &Réchauffement climatique